Un peu plus tard, nos deux gaillards rencontraient Dino Briganti, dans son antre. Un petit coin de paradis, glissé silencieusement à deux pas de l’agglomération fleurantine où lui et sa femme Marina vivent et développent une activité assez inédite. 

Brice n’ayant pas fini son croque-monsieur allait manquer une partie de la rencontre. 

Héloïse : J’ai un peu cherché avant de venir, c’est bien la première fois… Vous êtes héliciculteur…On se doute que vous ne ramassez pas des hélices, ça ne pousse pas ici…Alors de quoi s’agit -il ? 

Dino : (riant difficilement…) Nous sommes éleveurs d’escargots. Et notre lieu de culture, est juste là ! Dino montrant une volière sans oiseaux, couverte de verdure au sol. Les rangs de bois séparant la surface, en allées, comme autant de refuges pour les escargots. Quand le soleil brille, voir brûle, dixit 2022, ils se réfugient sur la face cachée des planches jusqu’au crépuscule. Avec la descente du soleil et la baisse des températures, nous déclenchons l’arrosage. Alors le balai commence. Une nuée de « limace-propriétaires » passe du verso au recto des planches, ils apparaissent à la vue de tous, et notamment de nous les éleveurs. C’est plus pratique, quand les commandes affluent, surtout que le cheptel total s’élève à 130000 têtes ! 

Brice se pressant d’en finir : Scrounch, scrounch, scrounch, Brice le regard intense sur le croque-monsieur…C’est entre lui et moi ! 

Héloïse : Comme Brice l’aurait surement dit, 130000 têtes, ça en fait du foin ! Mais où sont les bottes ?  

Dino : Sous la guitoune là ! Plusieurs paires pour équiper ma petite équipe : ma femme, moi et trois « cueilleurs ». Une charge de travail importante entre entretenir, nourrir, surveiller à multiplier par le nombre de petites têtes molles… Ils mangent les bougres !  

On fait varier les plaisirs, en plantant du soja et du trèfle qu’ils parcourent et dévorent. On ajoute un apport en farine à base de maïs et bicarbonate de calcium (la même mixture que pour les poules). Il n’y a aucun traitement sur les plantations sinon l’escargot l’ingère et c’est ensuite au tour du consommateur, donc nous nous imposons une rigueur de 0% d’entrant obligatoire. Nous voulons proposer à la vente un produit de qualité mais avec une politique tarifaire avantageuse. Je suis un maçon de formation, issu d’un milieu de travailleurs modestes. Pour moi c’est aussi politique, je souhaite un rapport vertueux, équilibré entre qualité et quantité. 

Brice : La quantité et la qualité, ce n’est pas la devise du Gers ? 

Dino : Ça se pourrait, en tout cas c’est notre crédo ici. Nous ne faisons qu’élever. Pas de transformation encore mais ça va changer cette année. Une nouvelle extension va nous permettre de cuisiner. Nous allons continuer à vendre l’escargot prêt à cuisiner, et doubler la production pour mettre à la vente des plats préparés. Les recettes envisagées sont les classiques : En persillade, à la tomate mais aussi tirées de mon héritage culturel… 

Brice : Perpétuer un savoir-faire, c’est un engagement volontaire et noble. La richesse du monde, la beauté qui s’en dégage découlent de cette idée maîtresse. Faire une belle tresse d’ail blanc de Lomagne, assaisonner correctement son boudin, cueillir les jonquilles, élever une charpente gasconne, partir au ras petit côté au rugby, ça ne s’invente pas, ça se transmet. René Couderc, génie du commentaire télévisé, soutenait sans objectivité l’équipe France avec ses mythiques « Allez les Petits ». On ne pouvait faire autrement que de penser comme lui. On peut sans risque le glisser dans notre histoire commune à tous, habitants du sud-ouest, il était d’ailleurs de Mauvezin… Vous parliez d’héritage…Mais lequel ? 

Héloïse : Je dirais même plus, l’héritage dont vous parliez, lequel est-ce ? 

Dino : Je suis d’origine Sicilienne, de Palerme exactement. Hormis deux membres installés sur la botte italienne, tous sont encore là-bas ! Le seul « vilain petit canard » éloigné, c’est moi. Je me rends régulièrement sur l’île des miens, chaque année, c’est un besoin. Une occasion de saisir et d’emmener avec moi, l’héliciculture à laquelle deux de mes oncles sont déjà avertis. La tradition familiale emmène aussi son lot de recettes culinaires, à base d’escargots vous vous en doutez. Vous les retrouverez sur notre carte de plats préparés en vente dès cette année. Mon objectif, pouvoir vendre mes plats préparés dès juin au plus tard juillet 2023. La progression est mesurée. Nous avons commencé il y a dix ans avec 100 kg de production, aujourd’hui nous sommes à 1.550 tonnes, avant de doubler pour accélérer vers la vente d’escargots cuisinés. 

Brice : Accélérer et escargots ce n’est pas un peu contradictoire ? 

Héloïse : Quel homme plein de vivacité…. Vraiment…Que le monde aurait été plus étroit sans toi Brice… Une question bête pour rester dans la thématique… Quand ramassez-vous vos Back Packers ? 

Dino : De mars à Octobre. Les derniers de fin de saison sont placés en hibernation durant l’hiver pour pouvoir enchaîner rapidement dès la reprise de notre production. L’escargot qui hiberne, scelle l’entrée de la coquille et reste ainsi durant des mois. Une réaction naturelle qui peut être provoquée en baissant la température. Nos frigos dupent ce beau monde et nous permettent, en cas de très forte chaleur, de sauver nos petits gris le temps que le climat s’adoucisse. 

Brice : L’atmosphère est un espace vital, donc vivable. Il est donc primordial qu’elle le reste sinon où irons-nous ? Il nous faudrait tellement de frigos…. Si on dit un frigo pour une famille, en partant du principe qu’une famille… 

Héloïse : au bord du désespoir… Savez-vous que le surnom de vos voisins lectourois est « Limacayres » ? Les fleurantins les ont jadis baptisés ainsi les apercevant régulièrement zigzaguer sur le versant sud de Lectoure, armés de flambeaux, cherchant les escargots à la nuit tombée. 

Dino : Merci pour l’anecdote ! Ce n’est pas une question. Mais ça me permet de préciser une facette importante de notre activité… Qui sont ces escargots ? Des « Petit-gris », consommés et appréciés par ici. L’autre espèces est appelée « Bourgogne » ou « Gros gris ». Nos clients qui sont de la région sont moins friands des bourguignons. On vend aux particuliers, aux comités des fêtes, aux clubs et associations. Nous devons être prévenus quelques jours avant pour anticiper car tout dépend du poids demandé. Même si vous voulez un kilo, pas de problème, on vous prépare ça ! Sinon rendez-vous aux escargolades et cargolades du secteur pour goûter à notre savoir-faire. 

Brice : Le « Savouarfer » c’est pas un fromage à pâte dure ? 

Héloïse : Décidément je regrette que ce croque-monsieur n’ait pas été double… Merci beaucoup Dino pour votre accueil, dans ce petit havre de paix où avancer au ralenti n’est pas mal vu…C’est un luxe ! 

Le temps impartis à nos deux dénicheurs de curiosité était arrivé à son terme. Dans un nuage de poussière ils disparurent. Notre éleveur de Limaces-primo-accédantes vint à se demander s’il s’éveillait d’un songe…  

Tour de spirale infernale et clap de fin ou presque, ils revinrent…Brice avait oublié son sac à goûter. Clap ! 

Pour contacter Dino c’est par ici !  

Téléphone : 06 10 65 01 57  

Escargots 1
escargot 3